La rue s'étalait dans la nuit...

La rue s'étalait dans la nuit. Devant le cinéma, c'était la sortie de la dernière séance. Au carrefour, une
baraque à frites achevait de s'endormir dans la lueur des néons blafards. Et les gens marchaient en silence, en
substance...

On devinait des rires, des mots qui ne voulaient pas s'envoler, des vies qui s'élançaient en louvoyant...
Les hommes partaient en rêvant, dans le sillage des belles aux parfums multicolores ; quelques chats
finissaient leur ronde de nuit, et de temps en temps, une voiture de police passait lentement (sans doute un
vieux flic célibataire qui venait s'offrir le plaisir furtif d'une oeillade à la dérobée sur les bas résille, et qui
remontait sur le macadam vers ses songes dorés).

Il avait fait très chaud ce jour là, les murs n'en finissait pas de transpirer, crachant leur haleine tiède à la
face de la nuit, et dans le ciel les étoiles comptaient les secondes, un petit clin d'oeil pour chaque instant de
vie qui venait les rejoindre dans le chaud manteau des galaxies.

Derrières les fenêtres, quelques lampes brillaient encore, chez ceux qui ne se résolvaient pas à
abandonner cette journée à la nuit, quelques brindilles de musique, des battement de coeur, des moments de
bonheur se glissaient dans l'air, comme une petite fumée bleue, mutine, capricieuse, qui passaient sur le coeur
des hommes...

Une douce torpeur s'abattait lentement, glissait sur les coeurs comme une caresse sensuelle, éveillant
des frissons de plaisir qui éclataient dans l'air en petites lucioles incandescentes...

En levant les yeux, on pouvait voir que la rue partait en fuseau, crevant la nuit dans un élan
irrépressible, sous le regard impassible de la lune, orchestrant une fuite gracile et chimérique vers un ailleurs
aux reflets d'ombre et de silence... Les lampadaires s'élevaient vers le ciel, animés d'un souffle chaud et
frénétique, le sol se parait d'une peau satinée où chacun s'abandonnait, étourdi, dans un vertige enivrant de
tous ses sens...

Tout près se trouvaient les grands boulevards qui conduisent vers autres part ; de toute la ville les
passants convergeaient, on sentait dans l'air une impatience larvée, un désir violent de se fondre à la surface
des rêves qui affleuraient doucement à la surface de la nuit. La foule frissonnait de ses émois contenus, il s'en
dégageait un courant, une clameur étouffée qui jetait dans le vent des couleurs étranges venues du fond des
mondes...

S'ensuivait alors une confusion délicieuse, il n'y avait plus de frontières entre les femmes, les couleurs
et la nuit ... Une douce folie s'emparait de chacun, dans les regards soyeux on pouvait lire tous les aveux
inachevés qui soudain éclataient en une gerbe de chaleur, douce, insidieuse...

Mille fragrances s'envolaient dans l'air chargé d'indolence, et, tandis que la rue achevait de s'endormir
dans les bras de la foule, quelque part dans l'univers, une étoile filante m'emportait vers mes propres rêves...

C'est alors que je la vis, qui venait vers moi ; elle dansait dans l'air comme un pétale d'abeille, comme
un songe éthéré, qui me dominait dans un souffle d'Améthystes. Je n'oublierai pas les océans qui baignaient
ses yeux et où j'erre encore, marin perdu dans l'étendue de son devenir...

Maintenant, elle est mon soleil dans les nuits les plus longues, et dans la chaleur de ses rayons, j'achève
de me consumer...

Metz - Printemps 1993

J'aime beaucoup !

C'est plus de l'amour, c'est de la rage

Ouiii !