Aujourd'hui est un jour de silence...

Aujourd'hui est un jour de silence. La vie semble s'être retirée de la ville. La rue, écrasée de
soleil, écrasée de sommeil, s'étire comme un serpent de béton, en longeant les terrains
vagues...

Ils marchent, main dans la main, dans la paisible confiance des enfants qui s'aiment, leurs
cheveux blonds comme une tache de lumière au milieu des tas de gravats. Au bout de la rue,
les attend leur " château ", l'épicerie de la mère Masson, vide et abandonnée depuis que la
vieille femme est morte (Qui peut encore investir un centime dans cette ville noire et percluse
de misère ?).

Jonathan et Déborah... enfants d'une ville sans couleurs, n'ont que leurs sourires à s'offrir,
leurs sourires et leurs promesses, leurs rêves et leurs espoirs... un jour ils seront adultes, un
jour ils seront ailleurs, au Canada...

C'est beau le Canada... Marguerite leur avait montré dans un grand livre. Elle avait lu pour
eux des pages pleines du charme d'autre part, à des kilomètres et des kilomètres de la cité
noire de leur enfance...

Les grands sont encore venus hier soir. Une débauche de verre brisé témoigne de leur passage.
Mais ils n'ont pas trouvé. Ils ne trouveront jamais. Ce passage secret derrière un tas de caisses
vides, cet ailleurs au milieu d'ici. Témoins d'une époque où Marguerite était encore une jeune
femme riante et déterminée, témoins d'une époque où les allemands étaient là. Il fallait sauver
la liberté, il fallait cacher les étoiles jaunes...

Quelques mois avant de mourir, elle leur avait dévoilé ces vestiges d'un autre monde. Elle
sentait ses forces l'abandonner, elle ne pouvait plus faire son jardin. Les petits anges blonds
l'aidaient un peu en échange d'un bol de café au lait et d'une tartine de beurre. C'était tout ce
qu 'elle pouvait leur donner, ça et ses souvenirs, ça et ses petits secrets de vieille femme aux
porte de la mort.

Les parents... leurs parents, étaient comme morts. Ils ne restaient d'eux que des corps trop vite
vieillis, abrutis d'alcool et d'ennui, abrutis de misère, qui les tapaient quand ils étaient là, les
oubliaient quand ils n'étaient pas là...

Jonathan et Déborah, enfants d'une vie sans douceur... enfants de personne, orphelin de
l'avenir. Demain l'école reprendra. Un école aux vitres cassées, qui va encore les séparer des
jours durant.... mais qui saurait comprendre un amour de huit ans ?

Aujourd'hui est un jour de silence... Jonathan repousse doucement les caisses qui cachent
l'entrée de la cave. Un soupirail donne sur une petite cour remplie d'herbes folles, et dispense
un peu de lumière sous la voûte de pierres. C'est ici que reposent leurs trésors, dérisoires
richesses d'enfants... c'est ici que s'arrête le monde. En attendant le Canada...

Sexey les Bois
24/10/99

C'est un texte !

Ben oui c'est un texte chérie, mais je ne voyais pas dans quelle autre section du forum j'aurais pu le poster à part ici

Oui, c'est vrai